Débat auprès des jeunes sur la radicalisation

Une vingtaine de personnes se sont rassemblées dans les locaux de l’association ACCES à Villeneuve la Garenne le 30 mars dernier pour s’exprimer et débattre autour de la prévention de la radicalisation. Emna Khaldi, directrice de l’association Halte à la N ! était en charge de conduire cette réflexion.

Afin de permettre la liberté de parole, la soirée s’est articulée autour de la méthodologie participative d’Initiatives & Changement. Emna Khaldi a commencé fort : « Affaire Théo, laïcité, Musulmans, Kouachi, Français d’origine, la banlieue, fief de la radicalisation, charia, … » des mots qu’elle voulait provocateurs, histoire de faire réagir son public. L’effet ne s’est pas fait attendre et la soirée très animée a libéré l’expression des participants sur leur ressenti sur de nombreux sujets.

Le ras-le-bol d’être stigmatisés :

Ils ont notamment exprimé leur ras-le-bol de ces mots qui envahissent leur quotidien depuis trois ou quatre ans, des mots qui reviennent constamment dans les médias et par lesquels ils se sentent stigmatisés. « Toujours les mêmes dénonciations », « des mots qui m’étouffent », « j’en ai assez de devoir justifier ce que certaines personnes ont fait au nom d’une communauté. »

« Comment peut-on demander à des jeunes nés en France de faire des efforts pour s’intégrer ? » s’indigne un participant.

« La gestion de l’islam en France est néo-coloniale ! Ceux qui ont été mis en place pour représenter l’islam n’ont pas de légitimité. Ils sont disqualifiés notamment aux yeux des recruteurs djihadistes. »

« Dans la France judéo-chrétienne, on essaie de maintenir l’islam comme quelque chose d’étranger. »

Cela a naturellement conduit à parler de la laïcité, dont ils se demandent si elle protège vraiment la liberté de chacun comme on l’affirme ou si, au contraire, elle est un outil de restriction contre une communauté. « On ne sait pas ce que veut dire laïc : athée ? Ne pas s’occuper de religion ? La laisser chez soi ? Ne pas en parler même en famille ? On ne sait plus où sont les limites de la laïcité. »

Sans se laisser démonter par ces propos si fortement exprimés, Emna Khaldi a posé la question : « Pouvez-vous comprendre les crispations de certains face au voile et les peurs qu’il provoque au vu de ce qui s’est passé en Iran et en Algérie ? »

« Les Musulmans français ont une part de responsabilité dans ce qui se passe du fait de leur pratique, ose un participant. On a fait passer notre religion comme une culture alors que cela n’a rien à voir. »

Sur le sujet de la radicalisation :

« Certains jeunes trouvent un exutoire dans la religion musulmane qui offre une cause à défendre face à la consommation et à l’individualisme, confiait un participant. Pour certains jeunes, ils y trouvent une excuse, un prétexte, une justification face à des problèmes sociétaux, psychologiques ou simplement de délinquance. »

La question a été posée de ce qu’on peut faire quand on se trouve face à quelqu’un qui manifeste des signes de radicalisation ou qui se trouve en situation de fragilité.

Des échanges de cette soirée sont ressorties quelques idées fortes qui pourraient être des points de départ pour des pistes d’action :

Travailler à la mixité sociale : c’est-à-dire faire l’effort de fréquenter d’autres milieux sociaux et culturels. Les peurs naissent d’une méconnaissance. Il faut briser les images négatives diffusées par les médias et réfléchir au poids des mots, s’éduquer mutuellement pour comprendre leur impact sur les autres. Comprendre les crispations et se remettre en question pour dissiper les doutes que l’on suscite. Un atelier comme celui-ci est un début de solution.

Réfléchir à ce qui donne du sens à sa vie pour répondre au vide que laisse notre société de consommation et individualiste. Cesser les débats d’émotions.

Agir sur notre environnement dans lequel on se trouve et qui est déterminant. Ce sont nos mentalités qui doivent changer plus que nos lois. Il faudra notamment clarifier la laïcité et la façon dont on l’applique.

 

Frédéric Chavanne

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